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Mères sans chatte, A (II) RH + De Nicoleta Esinencu


Les textes de l'auteure moldave Nicoleta Esinencu – prises de parole courtes et engagées – sont des véritables cris. Il y a une nécessité à faire entendre cette langue, en vers libres, ensemble de fragments de phrases suspendues, de lambeaux d'histoire entremêlant l'intime et le politique.

L'écriture de cette auteure est traversée par l'histoire et le contexte moldave, mais les enjeux qu'elle déploie vont bien au-delà. Elle résonne fortement dans notre propre situation, engageant un questionnement – poétique et politique – sur la langue, la condition féminine ou encore le(s) sentiment(s) nationaliste(s).

Avec le comédien Sébastien Peyrucq nous avons rêvé un diptyque articulant deux de ses textes, Mères sans chatte écrit en 2007 et A (II) Rh+ en 2011.

L'occasion de traverser la question de la famille et du politique dans l’œuvre de l’auteur.

La première prise de parole interroge la condition féminine en Moldavie, mettant en scène une jeune fille « intoxiquée » par les vociférations-recommandations des femmes de sa famille et de son entourage, qui s'évertuent à lui transmettre les règles de bonnes conduites.

Le second texte met en lumière la xénophobie et le repli nationaliste d’un père de famille qui sombre dans les méandres de la paranoïa et de la démence.

Cet homme, endoctriné, victime des discours politiques de désinformation et de propagande.

Chers parents, comment éduquer vos chers bambins, l'avenir de la partie ?

L’écriture haletée de Nicoleta Esinencu témoigne d’une société nécrosée, fantasmant l’Ouest tout en le méprisant, après le désenchantement post-soviétique.

Deux textes donc comme lieux d'observation du processus de contamination de l'être par le(s) pouvoir(s) familial, sociétal, politique.

Deux textes qui s’enchainent sur le plateau avec simplicité pour faire résonner la poésie de l’auteur.

Les textes Mères sans chatte et A (II) Rh+ sont inédits en France.

Les éditions l’Espace d’un instant préparent une édition pour bientôt.

Le Triton accueille la Compagnie de Briques et de Craie pour la création du spectacle du 27 au 31 octobre 2015.

Note d'intention

la confiture, on la fait en été et on la mange en hiver

les gros concombres en hiver les bananes en été et en hiver le borchtch, très chaud le café c’est pour les adultes le thé c’est mauvais la cigogne ou les choux Mères sans chatte

Ce refrain rythme Mères sans chatte, comme un mode d'emploi pour une vie frustrée, terrifiée par l'autre, la possibilité d'emprunter des chemins de traverse. Il est interdit de porter des pantalons, de devenir cosmonaute, bref, d'exister pleinement... Nicoleta Esinencu recrée un petit théâtre peuplé d'ogresses sans ventre, comme pour mieux s'approprier et révéler cette violence familiale, sociétale.

Tu dis à ta femme

nous sommes le plus grand peuple de la terre

moi, je le sais

nous le savons

le monde entier le sait !

tu dis à ta fille

si mon pays n’avait pas existé

il aurait dû être inventé

A (II) Rh +

Si la figure maternelle tenait un des rôles principaux dans Mères sans chatte, c'est au tour du père d’être représenté dans A (II) Rh +. Dans une adresse toujours frontale, Nicoleta Esinencu examine le racisme dans tous ses replis; le sexisme de cet homme envers sa femme et sa fille, son racisme primaire envers les noirs et les arabes, son racisme politique envers les américains, sa haine idéologique envers les homosexuels, son antisémitisme, sa xénophobie culturelle envers les chinois …

Ces pièces suggèrent une adresse directe au spectateur. Comme un fil rouge, l'usage du « tu » les relie. Il est un miroir tendu, une invitation à s'approprier ces prises de parole. Pourtant l'idée n'est pas d'assimiler la situation politique et familiale évoquée, à la notre. Mais, au contraire, d'utiliser ce point de vue pour questionner nos propres rapports de domination et formes de violence.

Un chemin se dessine d'un texte à l'autre, démarrant d'une intimité pétrie par les instances familiales pour ensuite être empoisonnée par le repli nationaliste et xénophobe.

Fuck you, Europa ! Fuck ! Tu marches dans la rue et il n’y a rien dans quoi flanquer un coup de pied. C’est comme si tu marchais dans le sable – sans laisser de traces.

Fuck you Eu.ro.pa.

Dans l'un de ses premiers textes, Fuck You Eu.Ro.Pa., Nicoletta Esinencu mettait à mal le fantasme européen, en état de décomposition avancée. Le climat cauchemardesque actuel qui baigne les pays européens, gonfle nos gorges de colère, interroge notre propre responsabilité et intensifie notre sentiment d'impuissance. Il semble, dès lors, salutaire d'approcher les choses d'un autre point de vue, avec comme poste d'observation le regard acéré de Nicoletta de « cette fenêtre ouverte sur l'Europe » qu'est la Moldavie.

Le travail sur le texte suivra au plus près le mouvement de cette écriture. L'intérêt sera de faire entendre toute la musicalité des textes, écrits comme des partitions avec des leitmotivs, des sonorités basses, sourdes amenant parfois des envolées colorées et enfantines, parfois des vociférations monstrueuses…

L'enjeu étant, avant tout, de partager cette langue avec les spectateurs, sa puissance évocatrice ; de balancer à leurs figures ces claques poétiques où transpirent une colère revigorante, une énergie vitale non dénuée d'humour.

Mise en scène / scénographie

Durée : 50 minutes

La mise en scène s’attache à faire entendre la mise en abîme et les multiples prises de paroles présentes dans les deux textes; le narrateur donne voix à des personnages issus de ses souvenirs, parfois en les incarnant, parfois en les moquant avec distance. Mais il arrive aussi, à certains moments précis du texte et dans la plus grande simplicité, que les comédiens prennent la parole pour s’adresser directement aux spectateurs. Ces allers et retours dans l’histoire, ces entremêlements de jeu, soumettent au public la question de la fiction et du réel, de la représentation et du lâcher prise.

La scénographie a été pensée dans une grande sobriété et laisse place à un plateau vide habité par les comédiens et une chaise. Cette chaise éclairée tout au long du spectacle, symbole de l’assise familiale et sociale sur les personnages est aussi la métaphore d’une éducation forcée pour la fille et l’attribut du pouvoir social pour le père.

Enfin, nous avons imaginé relier ces deux textes par une séquence filmée en direct depuis les loges (ou autre endroit extérieur à la scène). Le plan resserré d’une feuille blanche et de deux mains dessinant les personnages-ogres, de Mères sans chatte. De cette vidéo projetée sur un mur du fond de scène, se profile un autre espace-temps dans lequel, le père et la fille sont reliés sans être ensemble, sans jamais se parler.

Espace et jauge : l’absence de décor et le nombre limité de comédiens permettent au projet de s’adapter à plusieurs types de salle. Seule la projection de la séquence filmée en direct, nécessite un rétroprojecteur.

A propos de l'auteure

« Avec nous le monde est plus libre, le monde est plus propre ! »

La trentaine, engagée, révoltée et réfléchie, Nicoleta Esinencu écrit et met en scène ses spectacles. Aujourd’hui à la tête du Théâtre Spalatorie/Laverie, à Chisinau, elle produit et accueille des spectacles et des performances, cherchant à provoquer des débats, à délier les langues de ses compatriotes, à leur insuffler un vent de liberté. Comme le suggère le slogan du théâtre, « Avec nous le monde est plus libre, le monde est plus propre ! »...

L’écriture de Nicoleta Esinencu se compose de cris, expose les douleurs et nous met face à l’insupportable des mots. Si cette écriture porte des combats propres au contexte moldave, les enjeux qu’elle déploie vont bien au-delà, que ce soit par le questionnement – poétique et politique – de la langue, ou par ses réflexions – ses engagements – sur la condition féminine, ou le(s) sentiment(s) nationaliste(s).

Créer des dispositifs à partir desquels exhiber les paroles des autres. Écouter comment les gens disent les choses…


Evénements à venir

 

Du 22/05 au 27/06

Jacques ou la soumission

D'Eugène Ionesco

Théâtre de l'Orme

 

Du 27/10/ au 31/10

Mères sans chatte

A (II) RH +

De Nicoleta Esinencu

Le Triton

 

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